San Sebastian de La Gomera, 7 janvier 1999 Chers amis,
Avant tout, je vous souhaite
une très bonne année 1999, même si je suis tardif.
Que vous soyez sain de corps et d'esprit et que vous ayez beaucoup de jours
heureux pour le reste de l'année.
Faites attention! Ce n'est
ni la dernière année du siècle, ni la dernière
du millénaire. Complaisons-nous encore de notre vieux siècle
pour deux ans. Il y a encore deux ans pour prendre congé.
Mais, déjà
à la fin de cette année, nous aurons un événement
assez triste. Nous allons perdre d'un seul coup les trois neufs de l'année.
Il nous faut attendre mille ans pour une reprise! Les dernières
années nous nous sommes tellement adaptés aux neufs que d'en
prendre congé sera difficile. Un seul neuf nous a accompagné
déjà tout le siècle. De temps en temps, nous avons
cohabité avec deux neufs dans l'année, mais c'est seulement
depuis 1990 que nous jouissons d'une relation stable avec deux neufs. Cette
année, nous vivons la perfection: Il y en a trois! Mais nous allons
les perdre d'un seule coup. Les septs et les huits ne sont pas de la sorte.
Souvenez-vous de ce qu'il s'est passé après l'an 1888. Il
nous en restait pour le moins deux huits pour quelque temps. Ça
c'est la différence. Les zéros, au contraire, commencent
leur affaire avec beaucoup d'éclat: trois d'un seul coup. Mais peu
a peu ils s'en vont. Non, pour une nouvelle affaire plus intéressante,
faites attention à ce petit deux. Lentement ça va se développer
jusqu'à l'année suprême avec quatre deux en même
temps. Ça c'est vraiment rare dans nos affaires avec les années.
Pour cela, il faut attendre encore plus que mille ans pour la prochaine
Après cet éloge
numéral, retournons à la vie quotidienne. Ici, à La
Gomera, La Vierge de Guadeloupe, dont je vous ai parlé dans ma lettre
précédente, est reconduite dans son sanctuaire après
avoir fait un tour de huit semaines à travers l'île. A chaque
église et à chaque chapelle Elle séjournait pour quelques
jours pour y être vénérée par le voisinage.
De cette manière toute l'île était 'de fiesta'; pas
seulement la capitale: chaque endroit a eu son tour. Son retour, le six
décembre, n'était pas aussi spectaculaire que sa venue. Oui,
il y avait la procession folklorique, il y avait tous les notables et il
y avait des danses, mais c'était terne. La vierge a bien épuisé
la population. C'est bon qu'elle ne retourne que tous les cinq ans.
Pour la reste c'est l'hiver
sur l'île, de notre manière. Peu à peu les jours changent.
C'est à dire que pendant la journée presque rien ne change.
Oui, il fait moins chaud, mais on peut tout de même bronzer à
la plage si on veut. Ce sont les matins et les soirs, qui sont les plus
affectés. Si on vient d'un pays du Nord pour quelques semaines,
avec de chance on ne s'en aperçoit pas, parce qu'ici sur la côte,
dix-sept degrés est le minimum. Au contraire, pour moi comme frileux
invétéré, pour commencer le matin, il me faut toute
ma garde-robe pour me protéger. Néanmoins, mais vers dix
heures je me suis déjà 'décortiqué' des maillots,
pulls et gilets. Un seul tee-shirt ou une chemisette suffisent. Le soleil,
qui me réchauffe jusqu'à la moelle, me donne de l'énergie.
A partir de quatre heures il y aura le même rituel, mais à
l'inverse; jusqu'aux mitons pour pouvoir écrire ou feuilleter un
livre. Et si tout ça ne suffit pas, il n'y a que le lit avec une
bonne bouillotte. Les jours les plus froids sont encore à venir.
Il y a deux ans il m'a fallût fuir au Chili. L'année passée
je n'ai même pas pris le risque et j'ai passé six mois au
Chili. Cet hiver c'est différent. Je n'habite pas dans le Nord,
mais dans la partie Sud de cette île avec ses microclimats aussi
divergents.
Le Nord, c'est là
ou entrent les alizés nord-est. Ils amènent de l'humidité
et de la pluie. Au Nord le paysage est beaucoup plus vert. Il y a la culture
de bananes; il y a des arbres, il y a des arbustes verts. Mais il y a aussi
des nuages, et, pendant l'hiver il n'y pas la garantie journalière
d'un réchauffement jusqu'à la moelle. Ça, ne regarde
pas les touristes des pays nordiques. Au contraire, pour leur randonnées
c'est un climat plus agréable et adapté.
Le Sud, c'est ou les alizés
sortent. Dans les hauteurs des montagnes ils ont perdu son humidité.
Ils se sont séchés. Les pluies son très rares ici.
Nous nous trouvons, comme disent les climatologues, dans "l'ombre pluviale"
des montagnes. Mais pas du tout dans l'ombre du soleil comme dans le Nord.
Pour cela c'est un pays désertique. Mais l'histoire ne s'arrête
pas avec ces deux microclimats. Il y a des vallées, comme des incisions
profondes dans ce pays désertique, qui ont chacun une humidité
et un ensoleillement différent. A la fois, ils sont des vrais Jardins
d'Eden, avec des ruisseaux et des arbres verts. Au dessus de mille mètres,
les pluies sont plus fréquentes. Il y a des forêts de cèdre,
et encore plus haut, les forêts de laurasilva. Là-haut, il
y a un phénomène curieux qu'on appelle la "pluie horizontale".
Les nuages qui venons avec les alizés se trouvent à mille
cent mètres en moyenne et penètrent directement dans la terre
sans former des gouttes ou de la pluie. Et tout ça dans une île
d'un diamètre de moins que 25 kilomètres!
Le microclimat dans lequel
je vis maintenant est dominé par la sécheresse de cette partie
de l'île. Mais les alizés nord-est n'arrivent pas par les
montagnes, mais directement de la mer grâce à la position
sud-est de mon endroit. Ça adoucit le climat. C'est un promontoire
dans la mer qui s'appelle 'Punta de Colón'. C'est là où
se trouve depuis mémoire d'homme le phare du même nom. Ce
promontoire protège la ville de Sebastian et son port, une centaine
de mètres plus bas, contre le vent. Avec ça, la ville est
très proche mais j'ai de l'air pur, pas contaminé par les
émanations de la ville. Comme tout le monde sur cette île,
moi aussi, je suis convaincu que mon microclimat est le meilleur du monde.
Pour passer l'hiver j'ai parié sur ce coin.
Ici j'attends l'arrivée
des jours les plus 'froids', normalement à partir de fin de Janvier.
Si tout va bien, je prends ce coin en considération pour l'année
prochaine. Si non, il me faut chercher d'autres refuges. Si cela va vraiment
mal, je m'enfuis. Il y a encore à connaître les îles
Canariennes plus proche de la côte africaine, Lanzarote et Fuerteventura.
'On' dit qu'elles sont plus chaudes. Comme toujours, il faut le vérifier
par moi-même. Il y a encore Maroc, pas loin d'ici. Ça m'attire
aussi.
Pour le moment, je préfère
rester ici, en dépit de mon jugement provisoire: "Ici c'est supportable,
pas vraiment agréable". Rien pendant l'hiver ne vaux plus qu'un
vrai été au Chili. En plus, dans l'hémisphère
Sud, il y a tant d'autres paradis pour passer vraiment agréable
nos hivers: L'Afrique du Sud, La Nouvelle Zélande, Le sud-ouest
d'Australie qui ont des étés (et des vins!) comme la France
méditerranéenne, et, d'une autre manière, l'île
Maurice et les îles de La Réunion m'attendent pour les connaître
et pour vérifier mes jugements provisoires.
Après mon analyse
des microclimats disponibles pour passer le reste de l'année, je
rêve des étés méditerranéens qui sont
sans pareil. Je me souviens encore de mon été dans l'Hérault
les pêches que m'a vendu le voisin-producteur dont j'ai déjà
écrit dans ma lettre précédente. Il y a une autre
histoire qui s'inscrit dans le même cadre et qui vaut d'être
racontée, même que je l'ai déjà raconté
dans une lettre de voyage en Néerlandais.
Quelques jours avant mon
départ, dans un hameau voisin, je tombai sur un vieux couple assis
à coté des quelques boîtes de pêches à
vendre. Les fruits étaient petits et tâchés, mais vraiment
mûrs. Dès lors que je les vis, je reconnus les variétés
de mon jardin. Mais les miennes étaient encore durs
-"Elles ne sont pas très
belles", dit le vieil homme pour entamer la conversation en se levant de
son fauteuil dans lequel il jouissait de son âge et du soleil tombant.
-"Avec les fruits", je lui
répondis, "les extérieurs sont mauvais conseilleurs pour
les vraies qualités. Au contraire!", ajoutais-je un peu provocant.
-"C'est vrai!", s'exclama
sa femme, qui s'était restée à coté avec son
tricot, avec un mélange d'adhésion et de critique de la société:
"Les gens se laissent tromper par les supermarchés. Ils ne connaissent
plus les vrais goûts".
L'homme parut avoir été
toute sa vie cultivateur de pêches. Nous discutions les goûts
des différentes variétés que j'avais dégusté
les derniers mois. Je lui disais:
-"Alors vous êtes un
vrai expert!"
-"Vous aussi", me répondît
en s'éloignant pour chercher quelque chose dans l'intérieur
de la maison pour revenir avec dans ses mains des pêches beaucoup
plus grandes et sans aucune tâche, mais exactement les mêmes
variétés.
-"Voilà", reprit-il
en me les donnant, "je peux les faire comme ça quand je commence
à tailler en Avril. Je les garde pour ceux qui le comprennent. Il
sont trop chères pour les supermarchés."
Juste avant mon départ,
nos pêches, étaient mûres et aussi savoureuses que celles
du vieux couple. Je les pris pour déjeuner dans le TGV vers le Nord.
C'est ainsi que j'ai pris congé. En Mai, ou au plus tard début
Juin, je serai de retour.
Cordialement, Gérard
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