Ma lettre de voyage Nº 6

San Sebastián de la Gomera, 13 décembre 1999

Chers amis,

    "Mes informateurs se contredisent encore, mais cela diminue déjà ..... "

Ainsi commence une page de mon cahier de brouillon que je n'ai pas touché depuis mes derniers jours à Cessenon, début octobre. J'avais écrit ces mots pour Ma Lettre Nº 6. Et nous vivons déjà début décembre!

-- "Qu'est ce qui s'est passé depuis?"
Légèrement gêné, il faut avouer qu'il pèse aussi sur moi une réponse à une autre question, aussi importante: "Qu'est ce qui s'est passé depuis Ma Lettre Nº 5 de 15 février 1999?". Vous vous souvenez cette lettre que j'ai écrit à bord de la Santa Cruz de Tenerife, revenant de Fuerteventura. De votre côté, sans avoir ma promesse explicite, il l'aurait été raisonnable de compter sur plusieurs lettres de voyage pendant mon séjour à Cessenon. Alors, vous n'avez rien reçu:

-- "Qu'est ce qui s'est passé?".
Le printemps, j'avait mon poignet cassé dans le plâtre lourd et gênant, a limité toutes mes activités. En plus, je m'étais engagé dans un projet local, fortement intéressant, mais, à deuxième vue, loin de mon vrai besoin d'aujourd'hui. Je reviendrai sur ce projet, parce que cela a joué aussi un rôle néfaste cet automne. À Cessenon, ou j'ai continué le bricolage de l'année passée, je suis tombé dans le même piège: Une fois que je me trouve sédentaire dans une maison qui est "à moi" d'une manière quelconque, subitement, je néglige mon besoin plus profond d'être observateur et d'écrire des faits d'actualité. Je commence à soigner, réparer ou embellir 'ma' maison. Oui, je comprend, l'écriture est plus exigeante, tandis que le bricolage va sans peine et genère des applaudissements immédiats. Cela n'empêche pas qu'au bout d'un certain temps, il me manque cette satisfaction plus profonde et durable. D'un certain sens, j'ai fait la même erreur qu'avec ce projet local: Retomber trop sur les acquis de mon deuxième âge: reprendre mes compétences d'antan. Déjà après les travaux à Cessenon en 1998, ma conscience a fait entendre sa petite voix, ce qui ne me prévenait pas de m'engager dans ce projet local. La morale est simple: Une fois itinérant, il ne me faut plus chercher, ou imiter, ou symboliser, la vie sédentaire. Je suis bien résolu à rester 'en mouvement'. Je vais passer l'été de l'année 2000 comme non-sédentaire, mais, comme les autres, dans la région parce que j'y ai déjà des contacts personnels indispensables. Je ne sais pas encore comment. Il me parait que me déplacer d'une chambre d'hôte à l'autre, ou quelques jours chez des amis, pourrait être la bonne réponse. D'aucune manière dans une maison "à moi" pour éviter cette tentation. Il n'y a que la vraie actualité qui me donne de l'énergie. Or, je cherche encore ma voie dans ma nouvelle vie. Rien d'étrange avec cela: "Caminante no hay camino ..... "

Mais de quoi "mes informateurs se contredisent encore .... "? Mon cahier de brouillon continue ainsi:

    "Le Lucques est uniquement pour les olives vertes de table. Il est même imbattable dans cette application. Comme huile, il est médiocre. Elle n'y a qu'une vie propre que mélangée avec d'autres".
Or, dans les dernières semaines de mon séjour dans l'Hérault, pays fameux pour ses produits d'olives, j'avais dépister une controverse entre mes informateurs et j'avais commencé à la déceler.

Cette assertion venait d'une animatrice d'une excursion dans une huilerie ou je m'étais rendu pour connaître mieux ce fruit régional. Rien d'étrange à la prendre pour article de foi. En plus, cette huilerie a reçu pour sa préparation "à l'ancienne" de Lucques, comme olive de table, la médaille d'or 1999 de l'Exposition Nationale d'Agriculture à Paris. Et, vraiment, une délicatesse! J'avais emmené deux très grands pots pour mes amis aux Pays-Bas pour fêter mon 70ème anniversaire. Ces olives étaient favorites entre toutes les autres amuse-gueules. On les louait, et elles disparurent rapidement.

Après quelques semaines, en visitant une huilerie à quelques 70 kilomètres vers le Nord, mais encore dans le pays de Lucques le Lucques est une spécialité de la région, il est rare en dehors de l'Hérault on y avait préparé une huile de Lucques pure. La grosse surprise! En plus, on a reçu la médaille d'or 1999 de la même Exposition Nationale pour cette huile. Et voilà, ce sont des choses qui incitent ma curiosité, jusqu'à briser les cadres des priorités bien réfléchis. Je l'accepte, c'est mon caractère. Cette qualité me faisait 'street observer'. Et ainsi commence la la poursuite de la clarté, sinon de la vérité.

L'Hérault a de bonnes olives. Le Lucques et le Picholine se distinguent. Les gens ont un orgueil de ses olives régionales. Jean, né à Marseille, vivant dans l'Hérault, continue d'acheter son huile d'olive dans une huilerie de son pays. -- 'En France, il n'y a que la Provence pour de bonnes olives', cela vaut le détour'. Et il ajouta:
-- 'Mais les meilleurs huiles viennent d'Italie. L'Italie n'est pas pour rien le plus grand producteur et exportateur. En Espagne on ne fait que des huiles mediocres que seulement les Espagnols aprecient'

-- 'Faux ou vrai?', me dit mon voix intérieur.

Dans le grand livre, presque encyclopédique, que Albert me empruntait, j'ai trouvé que l'Italie a 190 millions d'arbres et Espagne 210 millions. Avec cela, ils sont les plus grands producteurs, suivi par La Grèce et La Turquie avec 100 millions chacun. Mais, à l'opposé à ce que Jean m'avais dit --ce qui est conforme à l'opinion publique--, l'Espagne exporte 25% de sa production et n'importe rien, tandis que l'Italie importe plus de 10% de son propre volume de production pour satisfaire sa consommation intérieure et n'exporte que 5% du total. Performance excellente du pub Italien à graver dans l'esprit commun une telle réputation avec ses maigres 5%. Chapeau!

Mais le pub français n'est pas mal non plus. Avec ses chiche 6 millions d'arbres, et une importation de douze fois sa propre production pour satisfaire la consommation intérieure, son exportation ne paraît même pas dans les statistiques de ce livre encyclopédique d'Albert. Néanmoins, les huiles françaises paraissent dans chaque supermarché aux Pays-Bas au premier rang, même que l'on concède généralement que les huiles italiennes sont plus 'gastronomiques'. En Hollande, toutes les qualités d'huile d'olives sont considérées comme 'gastronomiques'. L'huile d'olive n'y a pas la même place que dans la cuisine méditerranéenne. Pour cuisiner le beurre la remplace.

Avec Albert, j'ai fait le tour de sa propriété. Á part le vin, il cultive les oliviers: le Lucques et le Picholine. Il a expérimenté une variété grecque: Une réussite maigre. Il me fit cadeau d'une bouteille de sa propre huile. Pas seulement de ses propres arbres, mais aussi fabriquée dans son propre moulin. Hélas, cette fabrication se déroule trop tard dans la saison pour que je puisse y assister. Mais, j'ai eu l'opportunité de l'aider lors de la récolte de ses Lucques verts qu'il a livré ensuite au moulin qui a gagné cette année la médaille d'or pour se Lucques à l'ancienne. À cette occasion j'ai appris que le Lucques n'a pas de pollen, qu'il est un mâle stérile de sorte qu'il a besoin d'un pollinisateur extérieur. À cet effet, on ne plante pas d'autres arbres à proximité, mais on mets une greffe de Picholine sur la même souche. La souche n'est plus qu'une porte-greffes, parce que les branches de Lucques y sont greffés aussi. J'ai noté qu'on plante systématiquement les greffes de Picholine orientées vers le Nord. Pourquoi? Pour la pollinisation? Pour avoir plus de soleil sur le Lucques? Je le demanderai à Albert l'année prochaine.

Tout cela m'a donné une base de départ pour mieux comprendre la culture d'olive et la culture méditerranéenne. Vivre dans une telle culture oblige, vrai ou faux? Aux Canaries il n'y a que la consommation, pas des oliviers. En Afrique du Sud, dans la région méditerranéenne où je vais séjourner, il y aura sûrement des oliviers. Je vous mettrai au courant en temps opportun.

Ce projet local, auquel j'ai consacré tant d'énergie et de temps, est la formation de creativité axée sur le développement personnel sous le titre: Realiza tus seuños en la vida social. (Réalisez vos rêves dans la vie sociale). La proposition que j'ai écrit ce printemps, avec plus de trente pages d'antécédents et d'historique a été bien reçue et la formation se fit part des cours d'été officiels. Une foi réalisée pendant l'été, on m'a demandé d'écrire des manuels détaillés comme un "scénario de film". Avec cela, et une deuxième formation en novembre, se conclurait la formation des animateurs locaux. Il était prévu que cette formation se doit s'incorporer dans la culture d'ici et se continuer, en fin de compte, sans support de Ghislaine et moi comme protagonistes. Hélas, la formation fut remise jusqu'en mai 2000. Mais, le scénario est prêt! Plus de 200 pages sont imprimées et mises dans une "Website" crée spécialement pour que tout le monde puisse le consulter.

C'était un projet fortement intéressant et important pour la cohésion sociale de l'île qui est menacée par la venue du tourisme massif. Pour cela, un groupe des personnes soucieuses de cette désagrégation a supporté cette formation et nous aide à traduire culturellement cette idée étrangère, même exotique. Pour eux, ce projet s'incrit dans d'autres mesures de précaution. Le nôtre représente l'approche axée sur l'individu: Retrouver, renforcer ou même générer une attitude individuelle "d'entrepreneur" ou retrouver sa vitalité personnelle tournée vers l'extérieur aussi changeant que l'on perdre son courage d'agir.

Dans cette formation sous le nom générique "Lier le fantastique au sens d'affaires", nous utilisons largement des rêves incités et dirigés, ce qui est la spécialité de Ghislaine, et l'idiome de la vie économique, ce qui est la mienne, pour ouvrir les esprits à la créativité entreprenante. Pendant plusieurs années nous avons coopéré dans telles formations pour une clientèle allant des jeunes élèves aux conseils d'administration des grandes entreprises. Chaque subculture requérait sa propre approche que nous avons appris à réaliser. Même un transfert à une culture étrangère, celle de l'Europe de l'Est après la chute du mur de Berlin, y compris la formation des animateurs locaux, fut un succès. Sous la réserve précitée, c'était pour moi un projet très satisfaisant, pour son défi d'un autre transfert, pour sa coopération avec Ghislaine et avec des personnes locales, qui, comme moi, sont soucieuses de La Gomera. Non, je n'ai rien à dire contre l'importance de ce projet.

Je vous salue cordialement,   Gérard



© 1997 G.H.A. van Eyk, escritor itinerante.