Chers amis,
--"J'y suis! Je suis à Montpellier! Finalement!"
La ville de mes rêves des derniers mois dont j'ai beaucoup attendu.
Trop peut-être, après la solitude d'Afrique du Sud. Une vraie ville, une
ville universitaire de longue tradition de culture européenne, des
librairies, de tout. Montpellier avec son festival de théatre, son
festival de musique ou simplement pour m'y promener comme citadin, le
citadin dévoué que j'étais avant mon statut de réfugié pollutique.
Ce rêve a commencé après l'offre de ma voisine de palier à Paris de me
prêter son appartement au centre ville à Montpellier. D'y suivre un cours
de langue à l'université et de faire connaissance de cette ville à pied
sans la nécessité de retourner à la campagne chaque soir, étaient les
ingrédients de mes rêves. Je m'y suis laissé entraîner, et quand je me
rendis compte de mon statut de réfugié pollutique j'ai prié mon
dieu de me consentir pour une fois ce plaisir. De me libérer pour une fois
des conséquences connues. Je l'ai supplié de me répondre, de me donner un
signe de son consentement. Je lui ai offert de passer l'hiver prochain
dans une cabane encore plus déserte que celle d'Yzerfontein. Je n'ai reçu
aucune réponse.
C'est curieux avec les dieux de l'intérieur. Ils ne répondent pas comme
les dieux des Livres Saints qui paraissent tout savoir. Ceux de
l'intérieur ne répondent que par la réalité. Et la réalité ne s'ouvre
qu'après qu'on ai pris sa décision.
Alors, quels sont les événements depuis mon départ de La Gomera le 25
mai?
Le jour où j'arrivai au Pays-Bas, le temps, qui était très beau, se
changea en orages et froid. Par conséquence j'y perdais beaucoup
d'énergie. La météo du Languedoc-Roussillon était très attractive et cela
accéléra mon départ. Observation curieuse: le lendemain de mon départ il
faisait beau en Hollande et à Montpellier commença une longue semaine de
pluie et de froidure. Alors, la perte d'énergie continua. Depuis deux
jours, heureusement, le vrai climat méditerranéen a commencé. La chaleur
chasse toute trace de froid de mes os et ma récupération est en bonne
voie.
Comment déchiffrer ces données? Comment les interpréter comme réponse à
mes supplications? Jouer sur les pluies, les orages et le froid comme
signes de ne plus tester mes limites? Ou jouer sur le soleil et la chaleur
guérissante qui a suivi les deux semaines d'épreuve?
Prenons le dernier comme point de départ et oublions la phase froide et
les pertes d'énergie physique et mentale. Oublions tout ça et concluons
que j'ai bien passé les épreuves. Concentrons-nous à Montpellier d'autant
que c'est aujourd'hui, le troisième jour du soleil méditerranéen. A voir
encore si les effets négatifs de la pollution inévitable de cette grande
ville vont être compensés --ou non-- par les effets bénins du climat et de
la chaleur. A voir si je passe ce test aussi.
Depuis déjà trop longtemps je me suis étendu sur mes débats avec mes
dieux. Il vaut mieux répondre à vos questions.
J'aime quand vous les posez.
J'ai plongé dans une ville en pleine action. C'est une ville avec
beaucoup de vitalité. Aux mois de juin et juillet on a les fêtes de danse,
de théâtre et de musique l'une après l'autre. Ce ne sont pas des
événements pour une élite Culturelle seulement. Avant tout, ce sont des
fêtes de la rue. Le centre historique de la ville, (qui n'a pas du tout
l'air d'un musée, au contraire!!) étant plein d'activités artisanales et
économiques normales, se prête parfaitement à de telles activités.
Imaginez-vous un lacis des rues intercalées de petites places qui, par
leur caractère mi-caché, ressemblent à la fois aux fameux patios
méditerranéens. A pied on le traverse en vingt minutes à condition qu'on
ne se laisse pas séduire par des recoins ombrés et frais pour prendre un
verre ou un repas. N'oubliez pas que dans cette ville méditerranéenne la
vie se déroule dans les rues. Il y a aussi une traverse Haussmanniènne qui
finit en cul-de-sac dans ce labyrinthe. Le tout est bordé par une grande
place 19ème siècle avec son théâtre et prolongée par une promenade
ombrageuse. Et voilà le décor pour ces fêtes d'été. étant citadin pour une
seule fois, je m'en suis gavé, traversant ce labyrinthe avec mon appareil
photo dans une tentative d'en absorber plus que ma matière grise ne peut
contenir; une tentative de capter l'indicible.
J'ai aussi participé à un événement d' élite Culturelle. Mise à part
l'offre gratuite et presque anarchique dans les rues et sur les petites
places cachées, il y a aussi l'offre exquise et demandée des
représentations théâtrales et des auditions intégrales musicales payantes.
Dans le contexte du cours de langue française, j'avais l'opportunité de
voir Le Malade Imaginaire avec un groupe d'étudiants. Nous avons lu et
analysé le texte ensemble avec un professeur. Cette préparation en classe
était indispensable au plaisir de le voir. C'était une réalisation en
plein air avec, dans le rôle du malade, un comédien très applaudi. La mise
en scène était dès le début déjà très ornementée, presque baroque. Les
scènes se succédaient aussi rapides que je m'imaginais voir une video
moderne. Sans la connaissance du texte, j'aurais sűrement perdu le fil du
récit. Vers le dénouement, où le malade se libère de son obsession, la
pièce obtenait même des traits vaudevillesques. L'origine artistique du
protagoniste n'y était pas étrangère.
Mais n'oublions pas que Montpellier est aussi une ville d'aujourd'hui
et moderne qui entre dans le 21ème siècle avec un système de transport
urbain digne de notre époque. Cette ligne de quinze kilomètres touche au
centre historique et connecte les quartiers extérieurs de l'est et de
l'ouest. Dans quelques jours on ouvre Le Tramway, un projet considéré
comme audacieux en 1995, quand on a approuvé le budget. Maintenant il est
déjà considéré comme indispensable. Les trois années de travaux avec des
traverses quasi Haussmanniènnes ont mis à l'épreuve les nerfs des
Montpelliérains. On projette déjà une deuxième ligne à construire entre
2002 et 2004. Les derniers jours avant l'ouverture officielle on voit des
ouvriers mettre la dernière main aux abris d'inox et de verre et aux
autres mobiliers urbains indispensables ou décoratifs qui vont accentuer
cette rayure profonde et indélébile dans l'histoire urbaine de
Montpellier.
Et bien, mes amis, mon séjour à Montpellier s'achève dans une semaine.
Je ne sais pas d'où va venir la prochaine lettre. Mais avant mon retour
aux îles Canaries je vous donnerai d'autres nouvelles. Entendu.
Cordialement, Gérard |